La Genèse de l'ASAVN

Au début de l’année 1984 une importante campagne de presse internationale relate la venue du 40ème anniversaire du débarquement. La famille Bréhin, un dimanche de mai 1984, décide de visiter le lieu de crash d’un avion de la RAF s’étant produit le 7 juin 1944 prés de Villy-Bocage à Monts-en-Bessin au lieu-dit “le Haut Fecq”, résidence à cette époque de Jacques Bréhin. Le 9 juin 1984, Jacques et ses deux fils, Michel et Jean-Marie aidés de Georges Geneviève avec le tractopelle de Jean-Pierre Boulon effectuent en une heure l’extraction d’un moteur d’avion qui n’est pas comme ils le pensaient au départ en 12 cylindres en V de Spitfire.

Le lendemain au meeting aérien de Caen Carpiquet un spectateur passionné d’aéronautique et d’histoire identifie ce moteur sur une photo instantanée comme étant un Napier Sabre équipant à cette époque et à cet endroit les seuls Typhoon. Ce 10 juin l’aventure commence.

Voici l’histoire étonnante de ce moteur et surtout de son pilote. Le 7 juin 1944, le Flight Lieutenant (capitaine) Peter D.L. Roper qui lors d’une mission avait repéré des convois sur une route mais n’était pas prévu sur les ordres de vol s’attribue l’avion du colonel (le sien étant indisponible) soit le MN 125 SA-Q du « 20Str » stationné à Hurn et décolle pour effectuer la mission qu’il estimait indispensable. Entre 17h30 et 18h00, il est abattu par la DCA et saute en parachute. C’est monsieur Lemenuel qui est allé lui porter les premiers secours : avec son fils Jacques, ils l’ont transporté jusque chez eux sur une porte. Ensuite, à bord d’une vachère tirée par un cheval monsieur Claude Momino 16 ans a transporté le blessé chez le docteur Darry à Villers-Bocage qui l’a dirigé sur l’hôpital d’Aunay/Odon puis accueilli au château du baron J. D. Huard et à l’époque occupé par un état-major allemand. Menacé par ces derniers, il fut sauvé par le baron lui-même. Il fit ensuite le voyage de nuit en ambulance jusqu’à Bagnoles de l’Orne. Il était blessé aux jambes et il fut soigné de deux manières au deuxième étage car il fut d’abord pris pour un allemand puis à la cave comme prisonnier durant quatre jours. Le 13 juin, il est évacué sur Rennes où il n’est resté que deux mois puisqu’il s’évade et rejoint les troupes américaines. Il est soigné en Angleterre avant de reprendre le combat en Belgique.

Après la libération, le baron d’Huard fut accusé de collaboration et Peter Roper hospitalisé en Angleterre effectua le déplacement pour témoigner du courage du baron qui lui sauva la vie devant les SS et obtenir la libération de celui-ci.

Depuis 1944, bon nombre d’habitants savaient que le moteur de l’appareil était enterré dans l’herbage qu’exploite monsieur Jean-Pierre Bossuyt à Villy-Bocage et certains avaient bien eu l’intention de se l’approprier à des fins personnelles plutôt que d’en faire profiter la communauté. Seulement pour cela il fallait prendre les moyens pour déterrer l’engin. C’est ce qu’a fait Jacques Bréhin et ses fils le 9 juin 1984 en faisant appel à Monsieur Jean-pierre Boulon qui vint bénévolement avec sa pelle mécanique. Après avoir creusé autour du moteur enfoui à prés de 1.80 m. il fut facile de le retirer (photo 1). Après avoir effectué un magnifique travail de nettoyage, Jacques Bréhin, découvreur, offrit cette très belle pièce au musée de Tilly-sur-Seulles, musée de la bataille de Tilly et des environs en la chapelle du Val.

Après cela, Jacques Bréhin entre en contact avec Peter Roper au Canada et l’informe de la découverte et de son dépôt au musée de Tilly. Ce dernier lui répondit qu’il viendrait en Grande-Bretagne à une réunion de l’amicale des anciens pilotes et mécaniciens de Typhoon à Tangmere après quoi il effectuerait un pèlerinage en Normandie. Dans sa réponse, Jacques l’invite chez lui. Mais, à ce moment l’organisation d’une cérémonie est décidée en accord avec le comité des fêtes de Tilly.

Photo 1 : Extraction du moteur de P.Roper
Photo 1 : Extraction du moteur de P.Roper
Photo 2: P. Roper, P. Ezanno, V. Mc Mann, D. Sweeting, R. Lallemant
Photo 2: P. Roper, P. Ezanno, V. Mc Mann, D. Sweeting, R. Lallemant

En juin 1985, Peter débarque en fait accompagné de deux canadiens, Vic Mc Mann et Art Brooker, un britannique Denis Sweeting, un belge Raymond Lallemant, dit Cheval.

Le lendemain est arrivé à la gare le général Paul Ezanno et Denis Boudard, pilote de Spitfire et résidant à Caen fut invité soit sept anciens pilotes de la RAF.

Les manifestations eurent lieu les 15 et 16 juin 1985 (photo 2).

À la suite des nombreux articles de presse parus lors de la première extraction, madame Gibert ancienne institutrice et résistante résidant à Saint-Pierre-sur-Dives entre en contact avec Jacques Bréhin et lui demande d’effectuer l’extraction d’un appareil et de son pilote auquel elle désire donner une sépulture décente. Jacques et Michel se rendent sur les lieux à Sainte-Marguerite de Viette et constatent d’énormes difficultés pour une éventuelle extraction. Ils repartent toutefois avec une pièce métallique tordue en vue d’identifier l’avion. Jacques et Michel se sont rendus en Angleterre afin de rencontrer Douglas Arnold, collectionneur restaurateur d’avions ainsi que les conservateurs des musées de Hendon, musée de la RAF et du musée de la bataille d’Angleterre afin de voir et toucher un authentique Typhoon le MN 235, seul exemplaire existant et où une personne compétente a confirmé que la pièce trouvée à Sainte-Marguerite de Viette avait de fortes chances d’être un rail de lance-roquettes de Typhoon.
Jacques entre en contact avec monsieur Benamou conservateur du musée de Bayeux afin d’obtenir l’assistance des moyens techniques de la ville.

Madame Gibert s’est proposée de financer les travaux dés le début de l’opération.
Après un contact avec l’ambassade de Grande-Bretagne à Paris qui a d’abord opposé un refus, les travaux d’extraction débutent le 10 septembre 1985.
La carcasse se trouve située en forêt (le bois de Quévrue, commune de Mittois). Il a d’abord été nécessaire de construire un accès en coupant les arbres à la tronçonneuse puis de creuser une profonde et longue tranchée d’accès. Il fut ensuite indispensable de mettre des pompes en fonction. A ce moment commencèrent les fouilles qui ont duré trois jours au total. Les restes du pilote, le Flight Sergeant (sergent-chef) Reginald Thursby, 198 Sq tombé le 9 août 1944, furent remis aux autorités des cimetières britanniques d’Arras après qu’un délégué de l’ambassade de Grande-Bretagne ait contrôlé qu’aucun reste ne subsiste. Ce pilote fut inhumé lors d’une cérémonie officielle le 5 novembre 1985 au cimetière de Saint Charles de Percy prés de Vire en présence de tous les survivants du 198ème Squadron dont son chef de l’époque le général (CR) français Paul Ezanno. Juste avant la cérémonie, madame Gibert, l’initiatrice de ces évènements avait offert un repas à tous ces anciens pilotes de Typhoon et autres personnalités de rang dont l’Attaché de l’Air britannique (photo 3). En soirée eut lieu une visite du musée de Bayeux où furent déposés initialement les débris de l’avion. En soirée eut lieu une visite du musée de Bayeux où sont déposés les débris de l’avion.

Photo 3 : P.Ezanno- Mme Bonnissent. J. Bréhin. Mme Gibert. Air Commodore Burton.
Photo 3 : P.Ezanno- Mme Bonnissent. J. Bréhin. Mme Gibert. Air Commodore Burton.

Début 1986, Jacques Bréhin disposant de temps libre entame une enquête personnelle sur les avions tombés dans la région nord-ouest du Calvados. Une première localisation a lieu à Vienne-en-Bessin 7 km à l’Ouest de Bayeux. Le 12 avril 1986 extraction d’un moteur et beaucoup de débris divers dont le turbo et des pièces de carlingue, fouille rapide avec peu de monde. L’avion fut identifié à I’aide du numéro du moteur comme celui du Flight Officer Frank Thomas, 439 Sq tombé le 8 juillet 1944.
Jacques continue son enquête. Il rencontre monsieur Jacques Binet de Lingèvres. sud de Bayeux qui lui indique l’emplacement d’un crash à Biéville-Quétiéville, 5 km nord Nord Est gare de Mézidon. Il contacte le propriétaire qui confirme, l’emplacement est indiscutable, à 20 m de la Dives. Les fouilles commencent le 2 mai 1986 et durent trois jours. Les travaux furent très difficiles en raison du terrain marécageux et l’usage des pompes et d’une pelleteuse chenillée furent nécessaires. Le moteur fut extrait ainsi qu’une grande quantité de pièces diverses dont la roulette de queue (donnée à une association anglaise basée à Shoreham et destinée à être remontée sur un Tempest), le turbo, la radio, des cadrans d’instruments de bord, la verrière, …
Cet avion fut abattu par la DCA le 7 juin 1944 lors de l’attaque de la gare de Mézidon par le 184ème Squadron. Le pilote, le Flight Sergeant John Rowland fut tué. L’appareil était le JP 656.

Le 20 mai 1986, à l’instigation de Michel Letellier, suite à l’importance du dépôt de pièces et dans le but de trouver un financement pour inviter les pilotes survivants sur les lieux de leurs combats, il est décidé de créer une association type loi de 1901 . La demande et les statuts furent déposés à la préfecture du Calvados. Parution au journal officiel du 23 mai 1986 de la création de l’Association pour le Souvenir des Ailes de la Victoire en Normandie (ASAVN).